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Le 23 novembre 2023, la matinale exécutive d’iCIMS a pris place au prestigieux Lutetia, réunissant les leaders RH des grandes entreprises européennes. Parmi les participants figuraient des représentants de Carrefour, Louis Vuitton, Equans, Wavestone et bien d’autres.
La première partie de la matinée a été marquée par une table ronde captivante axée sur la diversité et l’inclusion (DEI). La seconde partie s’est concentrée sur l’intelligence artificielle (IA) et son impact sur le processus de recrutement. L’objectif était d’offrir aux leaders présents des informations clés sur les évolutions à venir, façonnées par l’IA, et d’explorer les opportunités et défis qu’elle présente.
Cet article vous invite à revivre les moments forts de notre table ronde, une expérience riche en enseignements qui a permis aux participants d’approfondir leur compréhension des enjeux actuels dans le domaine de la diversité et l’inclusion.
La matinale a commencé avec une table ronde réunissant Chantal Lasnier, Judith Tripard de Oh BiBi et Juliette Delas de 50intech. Ces trois intervenantes apportent une expertise précieuse dans l’application et le soutien des entreprises pour la mise en place de politiques de diversité et d’inclusion (DEI) tant dans leurs expériences professionnelles actuelles que passées. Stéphane Amiot, VP EMEA chez iCIMS, a animé cette table ronde en interrogeant ces femmes inspirantes sur leurs expériences et leurs perspectives.
Stéphane Amiot a inauguré la table ronde en explorant les motivations de nos intervenantes à l’égard de la diversité et de l’inclusion (DEI), ainsi que la manière dont ces préoccupations ont intégré leur parcours professionnel. Chantal Lasnier a ouvert la discussion en partageant son désir de représenter la diversité au sein de l’entreprise. Elle a souligné son engagement particulier dans ce domaine, notamment lorsqu’on communique avec le monde entier, comme c’est le cas pour son entreprise qui se situe dans l’évènementiel sportif mondial. Pour Chantal, il est essentiel de refléter la diversité de la population au sein de l’entreprise.
Judith Tripard, quant à elle, a partagé que la DEI est un sujet qui l’anime depuis le début de sa carrière. Sensibilisée rapidement, notamment en tant que responsable recrutement, elle a ressenti le besoin d’agir au sein des organisations pour promouvoir la diversité. Enfin, Juliette Delas a conclu cette introduction en exprimant que le sujet de la DEI s’est imposé naturellement à elle, en lien avec son engagement au sein de 50intech. Elle a souligné une réalité marquante concernant la « solitude des femmes entrepreneurs dans la tech ».
À travers leurs témoignages, il devient évident que la mise en œuvre d’une politique de diversité et d’inclusion (DEI) doit être portée par des individus convaincus de la valeur et de la nécessité de cette politique. Avant de se lancer dans la construction d’une politique DEI, il est impératif de comprendre le “pourquoi”. Pourquoi adopter une politique DEI ? Comprendre les motivations sous-jacentes est essentiel. Selon Juliette Delas, répondre à cette question permet aux dirigeants de donner du sens à leur engagement, que ce soit pour des raisons économiques, politiques ou sociales. Ce qui importe, souligne-t-elle, c’est de connaître le “pourquoi” afin de définir clairement la direction à suivre et les objectifs à atteindre.
Chantal et Judith insistent sur le fait que la motivation pour la politique DEI doit émaner des équipes dirigeantes, qui doivent être les championnes de sa mise en œuvre et être profondément convaincues de sa nécessité. Chantal explique que dans le cas de son entreprise, la question a été soulevée dès les premiers échanges entre les dirigeants, notamment en raison du lieu de l’évènement en Seine-Saint-Denis et des différents publics qui seront touchés par l’événement. Chez Oh BiBi, Judith joue un rôle central en tant que garante de la charte DEI tout en transmettant les valeurs aux managers d’une politique DEI.
Juliette souligne l’importance de débuter par une évaluation approfondie, à travers un audit, pour dresser un bilan concret de l’entreprise. Il est crucial de comprendre ce qui est réellement mis en œuvre au sein de l’entreprise, tel que le pourcentage de femmes, leur accès aux niveaux hiérarchiques élevés, la représentation des différentes typologies de diplômes…
Cette étape préliminaire est essentielle à deux égards : d’une part, elle permet de cerner le point de départ de l’entreprise afin de fixer des objectifs réalistes et réalisables, et d’autre part, elle offre aux dirigeants une prise de conscience de la réalité sur le terrain, dont ils n’avaient peut-être pas pleinement conscience.
En complément des recommandations de Juliette, Judith met en avant l’importance de susciter l’adhésion de tous les collaborateurs, en particulier les managers recruteurs, à l’approche DEI. Cela peut être réalisé à travers des formations visant à sensibiliser les collaborateurs aux biais cognitifs, contribuant ainsi à instaurer une conscience collective au sein de l’entreprise.
Dans le contexte d’un grand groupe, l’approche doit être adaptée. Dans le cas de Chantal, où l’entreprise compte actuellement 2 000 employés et prévoit d’atteindre 4 000 personnes en moins de 8 mois, la nécessité d’effectuer des recrutements rapides et efficaces est cruciale. Cela souligne l’importance de voir les leaders porter activement la démarche DEI et de garantir une adhésion généralisée à cette approche. La DEI doit être inscrite dans la culture de l’entreprise.
Chantal Lasnier souligne également qu’il est crucial, comme pour tout sujet stratégique, de s’entourer d’acteurs du changement impliqués dans la DEI. Par exemple, Mixity pour favoriser la représentation des différents milieux sociaux, 50intech pour la représentation des femmes dans le secteur de la tech.
Au-delà des principes d’égalité et de justice inhérents à la démarche de Diversité et d’Inclusion, il est également avancé qu’elle présente un intérêt tant sur le plan créatif que productif. En effet, la diversité des profils au sein d’une entreprise crée un environnement dynamique, enrichi par des perspectives variées liées à l’origine, au genre, à l’orientation sexuelle, à la religion, à l’âge et aux passions de chacun. Favoriser un tel environnement n’est rien d’autre qu’un bénéfice indéniable pour l’entreprise. C’est également une réalité à venir d’ici 2025 : il y aura manque de talents tech estimé entre 1,7 et 3,9 millions d’ici 2027 ce qui peut correspondre aux talents féminins. Nous ne pouvons plus nous permettre d’éliminer un certain type de population. Il sera nécessaire de pourvoir ces postes disponibles.
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Chantal insiste sur la nécessité de célébrer toutes les réussites liées à la démarche DEI. Il est important de ne pas être découragé par la quantité de travail nécessaire pour mettre en place une politique DEI efficace. Apprendre à se satisfaire de chaque victoire, même des plus petites, est crucial. De plus, il est essentiel de communiquer ces succès afin que ce type de message devienne naturellement intégré à la culture de l’entreprise. Par conséquent, adopter une perspective optimiste en abordant ce sujet constitue clairement un atout. N’hésitez pas à faire preuve d’audace, à proposer et à mettre en œuvre des initiatives que l’entreprise n’avait pas l’habitude d’explorer.
Pour poursuivre dans la lignée de l’approche audacieuse à laquelle il ne faut pas hésiter à recourir, Chantal partage une expérience originale au sein de son entreprise : le recrutement sans CV. Initialement, cette approche a suscité des inquiétudes chez les managers, mais elle a fini par gagner une adhésion générale. Concrètement, après une présélection effectuée par les ressources humaines en fonction des critères définis par le manager, celui-ci participe à l’entretien de recrutement sans disposer du CV du candidat. Cette méthode vise à éliminer tout biais potentiel lié aux expériences antérieures du candidat dans différentes entreprises, à la réputation de son école, ou encore à son milieu social. Les avantages de cette approche ont rapidement convaincu les responsables, qui ont d’abord expérimenté cette méthode avec des stagiaires.
En complément de ces actions de fond, les initiatives quotidiennes doivent également être mises en œuvre, notamment la politique de tolérance zéro, comme le souligne Juliette. Chaque remarque sexiste, homophobe, raciste… doit être sanctionnée et jamais excusée. Il est impératif d’incarner l’exemplarité, en particulier au lancement de sa politique de diversité et inclusion, afin de transmettre clairement le message que de tels comportements ne sont pas tolérés.
Par ailleurs, certains comportements ne nécessitent pas de sanctions disciplinaires, mais doivent être signalés lorsqu’ils sont observés, par exemple, lorsque quelqu’un interrompt systématiquement une autre personne. Judith insiste sur l’importance des formations pour éliminer ces types de comportements et sur la sensibilisation des managers pour qu’ils identifient également ces comportements au sein de leur équipe. Juliette ajoute que, par exemple, il a été prouvé que les hommes seront plus enclins à suivre le comportement des leaders. Ainsi, si un leader prend plusieurs semaines de congé paternité, d’autres collaborateurs auront tendance à faire de même. C’est pourquoi il est crucial, en tant que leader, d’incarner l’exemplarité. La démarche DEI est un effort collectif constant qui ne nécessite aucun relâchement particulier, surtout au début.
Comme souligné par Stéphane Amiot au cours de cette table ronde, la législation française encadre rigoureusement la collecte et le traitement des données personnelles. Conformément à la loi de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les mesures de performance peuvent ainsi s’avérer plus complexes. Celle-ci stipule en effet explicitement qu’«il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, [..] ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci».
Si des mesures quantitatives bien qu’imparfaites, comme l’index de l’égalité professionnelle, sont très souvent mises en avant, nos intervenantes ont plutôt évoqué des mesures qualitatives. Judith Tripard et Chantal Lasnier, se sont accordées à dire que les personnes les mieux placées pour évaluer l’impact des politiques de diversité et inclusion étaient les salariés eux-mêmes.
Il est donc essentiel de les impliquer dès le début du processus en recueillant leurs impressions au sein de l’entreprise. Dans un premier temps, cela permettra de détecter les sujets prioritaires, puis dans un second temps, de les rendre acteurs de la réussite de ces initiatives. Comme le souligne Juliette Delas, le chantier DEI est vaste et complexe. Il est nécessaire de définir des critères pouvant s’appliquer à un ou plusieurs axes prioritaires tels que :
Judith partage l’approche d’Oh BiBi, où un référentiel des questions à poser en entretien pour éviter les biais a été proposé aux managers recruteurs. De plus, ils encouragent la participation de tous les collaborateurs dans la démarche DEI grâce à des enquêtes internes. Ces enquêtes visent à évaluer, dans un premier temps, le niveau de satisfaction des politiques internes mises en place, tout en recueillant des idées pour améliorer ces politiques. Judith donne quelques idées de culture inclusive, par exemple les afterworks en soirée excluent les parents ou les personnes habitant en province, mettant en évidence la nécessité de penser à d’autres moments de partage, tels que le déjeuner, pour organiser des événements d’équipe, et en réfléchissant à des formats qui permettent à tout le monde de se sentir à sa place.
Stéphane Amiot interroge également nos intervenantes sur le phénomène de “gender washing” qui se produit lorsque les déclarations des entreprises en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ne sont pas fondées et/ou exagérées. Juliette rebondit en soulignant que cette pratique est malheureusement encore répandue et qu’il est crucial de prendre du recul par rapport aux chiffres annoncés par les entreprises. Elle recommande de se fier à des références externes telles que le gender score proposé par 50intech, SheIndex…
En conclusion de cette table ronde, Stéphane Amiot souligne que la mise en place d’une politique DEI n’est finalement qu’une politique de gestion du changement. Il est essentiel d’adopter une approche méthodique et d’appliquer les meilleures mesures possibles pour mobiliser la masse qualifiée de « neutre » pour les transformer en promoteur de cette démarche. Cette politique nécessite du temps et de la persévérance, variant en fonction du nombre d’employés et de la maturité de l’entreprise.